Pourquoi n’en parler que maintenant ? Pour plusieurs raisons : l’actrice principale Quvenzhané Wallis a tourné dans un nouveau film Esclave pendant douze ans qui sortira en France dans les salles le 22 janvier 2014, et aussi parce que la durée de vie moyenne d’un film étant d’un an, je refuse qu’un tel film tombe en désuétude. Les Bêtes du Sud sauvage étant un film à petit budget, la distribution de ce film a été relativement faible.
Les Bêtes du Sud sauvage est le premier film du réalisateur Benh Zeitlin, âgé de 28 ans en début du tournage. Il a co-écrit le film avec Lucy Alibar qui est l’auteure de la pièce Juicy and Delicious dont le film est adapté. Film indépendant, il a coûté moins de 2 millions de dollars, soit 2 à 3 fois moins que la plupart des premiers films français, et a rapporté plus de 10 fois son budget. Succès critique et commercial donc, même s’il ne concurrence pas, bien sûr, les superproductions.
Plongeons-nous dans l’histoire du film : Hushpuppy, 6 ans, vit dans le bayou avec son père. Suite à un dérèglement climatique, la nature s’emballe, la température monte, les glaciers fondent, libérant une armée d’aurochs. Avec la montée des eaux, l’irruption des aurochs et la santé de son père qui décline, Hushpuppy décide de partir à la recherche de sa mère disparue. Un teaser bien sommaire face à la complexité du scénario. Aucun résumé ne permet vraiment de définir clairement ce film.
Drame, humour, tension, amour (pas l’amour habituel dont nous assomme Hollywood), éducation, amitié…Les sentiments entre êtres humains sont les rouages même de l’histoire de ce film. Le personnage de Hushpuppy est touchant, profond, elle aime écouter les cœurs battre pour comprendre la vie. Une enfant qui, si jeune, comprend la vie bien vite, dans des situations où l’éphémère est présent en chaque instant.
Violent alcoolique, le père de Hushpuppy est détestable, et pourtant, l’on se surprend à s’attacher à ce personnage qui souhaite que sa fille soit forte.
Satyre de la société américaine défavorisée, la misère y est frappante. Les bidonvilles que l’on y aperçoit pourraient être dans n’importe quels pays en développement, mais non, ils sont en Louisiane, un état de la plus grande puissance du monde. On vogue, tout au long du film, entre espoir et désespoir, colère ou mépris, peur et tension, sourire et révolte. Les Bêtes du Sud sauvage nous transporte, sans être un film d’action ou de grande épopée.
Et la fantaisie… Avec les Aurochs, créatures gigantesques qui attaquent si elles décèlent la peur, le réalisateur amène ici une touche fantastique et fantasmagorique. Certains clins d’œils discrets à d’autres œuvres américaines peuvent être remarquées.
Il y a du bon sentiment, sans que ce ne soit dégoulinant de guimauve, et cela ne prend jamais le dessus sur la dureté, que se soit dans l’image, dans le style ou dans la dynamique des dialogues. J’hésite à dire que le film est accessible à tous. Le fait qu’une enfant soit le personnage principal peut donner envie de le laisser visionner à un jeune public, mais celui-ci doit être averti : certains passages sont difficiles.
Au niveau des acteurs, on suit Dwight Henry, relativement métamorphosé pour le film, qui joue le père de Hushpuppy. Il est boulanger dans la vie, et continuait de travailler pendant le tournage. Il n’avait jamais eu d’expérience de la comédie avant. Mais la véritable trouvaille de ce film est Quvenzhané Wallis. Cette fillette, âgée de 6 ans pendant le tournage, s’est présentée au casting alors qu’elle n’en avait que 5, en mentant sur son âge (l’actrice recherchée devait être âgée de 6 à 9 ans). Pendant l’audition, Quvenzhané Wallis a impressionné les cinéastes avec sa capacité de lecture, ainsi que son énorme cri et sa capacité à roter sur commande, qui sont tous deux utilisés dans le film.
Et, il y a de quoi être impressionné. Quvenzhané Wallis est bluffante, époustouflante, d’un talent sans limite. Elle donne une leçon à tous ceux qui font du cinéma, à tous ceux qui croient avoir du talent, à tous les cinéphiles. C’est par elle, que tout le film tient pendant une heure 30.
Un film à voir, cela ne peut en être autrement. Si je n’ai pas réussi à vous convaincre peut-être que les récompenses ci-dessous en seront capable. Le film a été présenté pour la première fois au Festival (américain) du film de Sundance en 2012, où il a remporté le Grand prix du jury pour une fiction. Il a ensuite été nommé à quatre Oscars en 2013, dont l’Oscar du Meilleur Film et celui de la Meilleure Actrice pour Quvenzhané Wallis, qui, à 9 ans, devient la plus jeune nommée dans cette catégorie.
Le nombre de récompenses est interminable et à mon sens hautement mérité, je n’en citerais que quelques unes : Grand prix du jury au Festival de Deauville, Grand prix du jury au Festival du film de Sundance, Caméra d’or au Festival de Cannes, Prix Regard Jeune et un Certain Regard, Meilleur Premier Film au Festival de Toronto, Meilleure Fiction au Festival international du Film Écologique de Bourges en 2013, etc. Le réalisateur étant aussi musicien, il a composé la musique du film qui gagne le Prix de la Meilleure musique de Film au EDA Awards.
Une fois n’est pas coutume je ne noterais pas ce film, on ne note pas un chef d’œuvre.