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Entretien: Matthias Jambon Puillet

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Pour réussir à avoir un entretien avec cette étudiant surbooké que Navo m’a conseillé, j’ai du fortement insisté. Heureusement, cette interview a été très instructive. Matthias nous donne son avis sans concession sur les difficultés d’être une jeune écrivain, ou plutôt « écrivaillon ».

A quel moment dans ta vie tu t’es dit “Je vais devenir écrivaillon pour voir?”

J’ai toujours beaucoup écrit. J’utilise le terme « écrivaillon » parce que je me considère pas comme écrivain. Un écrivaillon c’est quelqu’un qui écrit des bouquins mais qui les publie pas et qui gagne pas d’argent. Je fais le boulot d’auteur, mais comme c’est pas légitimé, je suis écrivaillon. Depuis que j’ai 6 ans, j’écris des nouvelles, des scripts de bande dessinée, etc. Dès que j’ai su écrire, je l’ai fait et je me suis jamais arrêté.

Tu veux faire quoi plus tard ?

Travailler dans le marketing, dans une grosse entreprise. Vu que y’a environ 150 auteurs qui vivent de leur plume, c’est absurde de dire « je vais devenir auteur ». J’ai un plan de carrière réaliste, si ca marche dans l’écriture, tant mieux, sinon tant pis.

Je pensais que tu allais devenir le futur Boulet!

Boulet c’est un auteur complet. On peut pas faire de la littérature en blog, tu peux pas percer en étant littéraire sur un blog, tu peux percer en faisant de la bd, de la politique ou du cul sur le net. Tu peux avoir une niche, un public fidèle, mais les gens n’ont pas la patience de lire de la littérature sur le net.

Qu’est ce qui a déclenché la création de the Best Place?

J »étais stagiaire chez Ubisoft et j’avais trop de temps libre. Je venais de finir d’écrire un bouquin et je voulais ni en commencer un autre, ni m’arrêter d’écrire. Je me suis dit: « je vais commencer un blog, si ça marche tant mieux, sinon tant pis ». Je ne voulais pas perdre la main. Je n’aime pas filer mes fictions sur le net, ça ne m’intéresse pas, j’ai suffisamment d’amis dans la vraie vie pour lire mes textes. Je préfères privilégier mes opportunités concrètes.

Mais Internet permet de rencontrer des gens, de créer des contacts. C’est illusoire de croire que créer un blog résoudra les problèmes de réseautages. En littérature les éditeurs ne vont pas sur internet, ils n’ont ni le besoin ni l’envie, pas en France en tout cas.

Comment t’es-tu retrouvé à écrire pour Jeuxvideorama et Krinein?

A l’époque je voulais encore devenir journaliste. J’aime décortiquer ce que je fais et vois. Pour moi la critique c’est séparer et analyser une œuvre, la somme de ces éléments. Et j’en ai l’opportunité d’écrire des papiers, en n’étant pas payé mais en ayant des bds gratuites. C’est plus compliqué quand je ressens rien face à une œuvre !

Y’a 6-7 ans, sur Bdamateur, j’ai commencé à poster des bandes dessinées et des gens m’ont lus. Sur Krinein, quelqu’un qui connaissait mon travail est venu me contacter et pour Jeuxvidéos.com j’ai répondu à une annonce.

J’ai abandonné mon rêve de devenir journaliste quand je me suis découvert une affinité pour la communication. La presse va mal, je ne me retrouve pas dans les magasines culturels que je lis. C’est une envie qui s’est décalée.

Qu’en est-il de Merci pour les souvenirs et Les Proxénètes ne se suicident pas?

Le 1er est au garage, faudrait le réécrire entièrement mais j’ai pas le temps. J’espère en avoir l’opportunité quand je serais sûr de le placer, ce qui me remotivera. Le 2nd, je l’ai envoyé à un ami qui va le présenter à des professionnels.

Quand j’aurai épuisé mes ressources personnelles, je referai le tour de Saint Germain avec les exemplaires de mon livre.

Tu es l’un de mes plus jeunes interviewés. Qu’est ce que ça change d’être un jeune auteur ?

Quand on est jeune, ça donne une excuse aux gens pour dire « T’es jeune, t’as le temps » (Note d’Aude : « Je déteste quand on me la sort celle-la ! »). Quand j’étais petit, on me disait que la maturité vient avec le nombre d’années. Maintenant, j’ai grandit et je crois en la méritocratie et non pas la gérontocratie. Les gens me disent que je n’ai pas à être autant déçu, je n’ai pas travailler autant que les autres plus âgés. D’après eux, je n’ai pas à ressentir les joies et les espoirs d’un adulte et c’est insupportable. Ça me porte préjudice parce que les éditeurs, par exemple,  se disent qu’au pire des cas je suis vert et que je reviendrai avec quelque chose.

Je suis pressé parce que je considère être au dessus du niveau minimum. Les textes que j’écris maintenant, seraient peut être meilleurs si je les écrivais avec des années en plus mais ils sont aussi l’instantané d’une époque. Ça me frustre de ne pas avoir ma chance. J’ai toujours plus d’idées que de temps.

Mais je pense aussi que plus je commence tôt plus j’ai du temps pour bosser le fond et la forme de mes bouquins. Je veux explorer le plus de formes possibles.

As tu un rituel quand tu écris ou marches tu à l’inspiration?

J’ai des habitudes : j’écris  le soir entre minuit et 3h du matin quand je rate le cycle de sommeil et que j’ai un regain de vitalité. J’écris par salve . Je peux ne pas écrire pendant plusieurs mois et ensuite m’y mettre et ne pas m’arrêter tant que ce n’est pas fini.

Comment as tu trouver des dessinateurs pour tes scénarios et comment écris tu tes scénarios de bd?

Je les ai trouvé sur Internet, je sais même pas comment on faisait avant, quand il n’y avait pas internet. Sur Cafésalé c’est dur, mais il faut prouver sa valeur. J’ai participé au forum, je donnais mon avis et j’avais une légitimé. Je n’étais pas la pour profiter uniquement. Avec mon dessinateur, on a ensuite présenté les projets aux éditeurs.

Maintenant, mes projets de bd sont dans mes cartons. Je me dis qu’un jour il y aura peut être un appel, mais c’est une partie de mon passé.

Comment écris tu le scénario d’une BD?

J’ai un début, une fin c’est plus détaillé qu’un roman. Je découpe l’histoire en X albums, je fais mes scènes en leur attribuant des pages. Si j’ai trop de pages je dois les réduire pour en faire 48.

J’utilisais Final Draft a une époque pour frimer. C’est un truc de débutant d’ avoir le meilleur logiciel au lieu de commencer à écrire. L’avantage c’est que ça permet de repousser le moment ou on va écrire, et c’est bon ça pour les procrastinateurs. Mais pour les éditeurs, un tableau word avec description et dialogues, ça leur convient vraiment.

Quels conseils donnerais-tu aux apprentis scénaristes/écrivains?

D‘être certain que c’est ça qu’on veut faire parce que c’est des ambitions demandeuses en temps, en énergie et en santé mentale.

Et ca coince quand on se rend compte que ça marche pas aussi vite que prévu, il faut avoir plus d’énergie pour continuer, ce n’est pas donné à tout le monde. Ensuite il faut supporter les échecs. Quand quelqu’un que vous respectez vous dis « Vous faites de la merde », soit on laisse tomber, soit on continue et ça demande de la force de volonté. Ou finit la force de volonté et ou commence l’aveuglement ? Parce que des fois c’est juste possible, qu’on soit pas bon. Vu que y’a des gens très mauvais qui réussissent, y’a des gens très mauvais qui réussisent pas.Et il faut se demander » est ce que je suis fait pour ça, ou les autres ont raison et  je devrais abandonner ? Il faut être à la fois lucide et avoir confiance en soi, l’énergie et le courage de pas lâcher.

Et comment tu évaluerais tes propres chances de réussite ?

Je suis pas persuadé de réussir mais je suis persuadé que ce que je fais est correct. Les gens talentueux sont pas toujours découverts, je crois pas que je vais percer forcément un jour mais ce que je fais est correct et honnête. La question c’est: « est ce que je serais prêt à mettre 15euros dans ce que j’écris? » Si la réponse est non je retourne bosser. Si c’est oui, c’est bien. Bien sur, j’ai des proches pour m’aider, me soutenir quand ça ne va pas. Après si ça se trouve ce que j’écris est bien mieux ou bien pire que ce que je pensais, mais au moins c’est correct.

Quels sont les avantages d’être un écrivain ?

Ecrivain c’est pas un métier ,c’est une occupation rémunérée. Un acteur qui a faim, il fait des pubs. Un auteur ne peut rien faire.

Il peut faire des piges, non ?

Mais écrire des piges c’est pas être un auteur, ce n’est pas de la fiction. C’est 2 jobs différents

L’avantage c’est les horaires flexibles et la liberté quasi infinie de faire ce que tu veux. C’est une activité très libératrice, source de beaucoup de plaisir.

Quels sont les points négatifs ?

On est sur le banc de touche. J’arrive pas à admettre que je me suis planté tant que j’ai pas essayé, limite je préférerais qu’on le sorte et qu’il se plante au niveau des ventes.

Mathias Jambon Puillet c’est ton vrai nom?

Oui, c’est mon vrai nom, sur ma carte d’identité, mes relevés d’impôts.

Quelque chose à ajouter?

Lisez mon blog, c’est bien, c’est pas moi qui le dit c’est les autres. Et si vous aimez pas vous pouvez revenir le lendemain et ce sera mieux. La médiocrité reste pas longtemps. Si vous revenez deux fois et que vous aimez pas, tant pis.

Question spéciale de Chloé Saffy:

Quand est-ce que tu te décides à être notre Chuck Klosterman à nous et publier tes notes de blog sous forme de chroniques retravaillées pour un bon gros recueil ?

C’est prévu depuis le départ. Je n’aime pas gâcher en fait donc au bout d’un mois de blog, j’ai écrit toutes mes notes de blog comme si j’allais les publier. Mais ça n’a aucun intérêt parce que les gens qui liraient le recueil sont ceux qui le lisent et ça fait mal de faire payer des gens qui l’ont eu gratuitement. J’adorerais faire un recueil et que ça puisse toucher des gens qui ne connaissent pas le blog. Je garderai ce qui est personnel, sur les filles, les cours, la difficulté d’écrire, un best of The best place (c’est super sexy comme nom!). Ce serait des morceaux choisis.